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Zygènes, fausses-zygènes et zygènules.
Messages et subterfuges de papillons en livrée rouge et noire

Une présentation proposée par Patrice Notteghem le 5 juin 2023

Les Zygènes sont de petits papillons d’une envergure de 3 à 4 cm caractérisés par des ailes antérieures souvent noires ou grises à reflets métalliques et tachées de rouge, des ailes postérieures rouge vif frangées de noir et un corps massif. Leurs longues antennes épaissies à leur extrémité caractérisent ce groupe. On dénombre 13 espèces en Bourgogne-Franche-Comté sur un total de 27 présentes en France.


Par leurs couleurs fortement contrastés, les rendant bien visibles quand elles butinent les fleurs des prairies (les scabieuses ou les panicauts), et du fait de leur leur vol lourd et lent, les Zygènes représentent des proies potentiellement faciles pour les oiseaux. Et pourtant ceux-ci ne les consomment pas.
Les Zygènes sont délaissées pour les vertébrés, en particulier les oiseaux, du fait de leur toxicité. Le liquide interne de ces papillons contient en effet des molécules toxiques (cyanoglucosides). Celles-ci sont synthétisées et stockées par leurs chenilles à partir de molécules (glucosides cyanogènes) présentes dans les plantes consommées (Fabacées). Les oiseaux apprennent à éviter ces proies facilement identifiables par le rouge et noir de leur livrée qui joue le rôle de signal d’avertissement d’un danger.
Cette propriété d’exprimer un signal de danger, notamment visuel (parfois olfactif ou sonore chez d’autres espèces animales ou végétales), est appelée aposématisme.


Dans le monde innombrable des Insectes, bien d’autres groupes disposent de ce type de défense contre leurs prédateurs. Parmi les papillons on peut citer par exemple les Ecailles, également toxiques, dont les ailes postérieures visibles en vol sont rouges ou oranger. Au sein des coléoptères les peu discrètes coccinelles, rouges ou jaune à points noirs (ou inversement) donnent à voir un signal qui les met à l’abri des oiseaux. Il en est de même de plusieurs espèces de punaises rouges et noires dont le très classique « Gendarme » au goût très désagréable.
Autre signal graphique et coloré, les rayures alternées jaunes et noires, relève également de l’aposématisme. C’est le cas des guêpes dangereuses par leurs piqures ou de certaines chenilles toxiques.  
Parmi les vertébrés, chez la Salamandre tachetée, les grandes taches jaunes réparties sur son corps noir, annoncent la toxicité de secrétions cutanées très inconfortables pour les muqueuses de prédateurs inexpérimentés…

Le naturaliste anglais, Alfred Russel Wallace (1823-1913), disciple de Charles Darwin, est le premier à proposer que ce phénomène relève d’un mécanisme évolutif au même titre que certains autres moyens de défense morphologiques, tels que le camouflage (homochromie, homotypie), ou comportementaux (agrégation, immobilité…).

Il existe des insectes présentant des couleurs et des formes quasi identiques à des espèces aposématiques bien qu’appartenant à de tout autres groupes. Ces adaptations intéressent passionnément les naturalistes depuis les travaux consacrés à certains papillons de la forêt amazonienne publiés dans les années 1860 par Henry Bates et par Fritz Muller, tous deux éminents disciples de Charles Darwin. Leurs découvertes concernant ces espèces lointaines éclairent ce phénomène dont on trouve des expressions dans notre faune.

Les très curieux papillons de la famille des Sésies, ressemblent beaucoup, par leurs ailes étroites en partie transparentes et leur corps annelé, à des Hyménoptères. C’est notamment le cas de l’inoffensive Sésie commune qui rappelle beaucoup un Frelon. On observe également parmi les Syrphes, d’inoffensifs insectes appartenant à la famille des Diptères (qui comprend également les mouches), des espèces pollinisatrices mimant des abeilles, des bourdons ou des guêpes. Cette adaptation a été baptisée mimétisme batésien en référence aux travaux d’Henry Bates.
Fritz Muller s’est lui notamment intéressé au cas d’animaux dangereux ou toxiques imitant par ailleurs d’autres espèces elles-aussi dangereuses ou toxiques. Cette forme de mimétisme qualifié de mullerien, s’explique par le fait que des espèces appartenant à des groupes éloignés ayant évolué en exprimant un même avertissement vis à vis de leurs prédateurs potentiels bénéficient ainsi d’une meilleure protection. Ce phénomène trouve unes expression parmi nos insectes avec les Fausses-zygènes, des papillons appartenant à une tout autre famille, mais présentant des livrées proches de celles des Zygènes ainsi qu’une toxicité identique.
Quant à la Zygénule, absente de notre région, un petit papillon assez semblable aux Zygènes, mais entièrement noire, il est fort à parier qu’il est également toxique tant il semble vulnérable…

En observant des Zygènes, et bien d’autres insectes aposématiques ou mimant d’autres espèces, on ne peut que s’émerveiller de la richesse des stratégies sélectionnées au cours de l’évolution par les insectes pour parvenir à échapper à leurs prédateurs, ceux-ci, de leur côté, ayant été dotés au cours de l’évolution de tout un arsenal d’adaptations leur permettant de capturer leurs proies.
L’effarante disparition actuelle des insectes, mais aussi notamment celle des oiseaux insectivores, due à la destruction de leurs habitats et surtout à l’usage généralisé des pesticides lié à un modèle agricole absolument non durable, gomme en quelques décennies seulement les millions d’années d’une coévolution entre tous les êtres vivants, dont nous sommes dépendants bien sûr.




 

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